Journa Le soleil - 30 mars 2009
(Québec) Donne-moi quelque chose qui ne finit pas, c'est Stéphanie Lapointe qui, en une douzaine de titres, part à la recherche d'un amour durable. À bien des égards, le deuxième album de la chanteuse prend aussi l'allure d'une quête d'éternité artistique, avec ses thèmes et habillages sonores intemporels. Jamais à la mode, jamais démodée?
Stéphanie Lapointe et son attachée de presse se font attendre. Les filles se sont égarées dans les rues de Québec, tentant vainement de se faire guider par les passants. La cascade d'excuses qui les accompagne serait vaine si la disponibilité de l'artiste devait en souffrir. Or voilà, elle est toute là, la Stéphanie. Comme si la petite et la grande aiguille de l'horloge étaient occupées à se chamailler, le temps s'arrête tandis qu'elle réfléchit à sa trajectoire, à la genèse de son récent projet et, l'oeil rêveur, à ce qui l'attend.
Q Quand on sait que Jean-Phi Goncalvez (Plaster, Beast) et Joseph Marchand (Ariane Moffatt) ont collaboré avec toi, on aurait pu s'attendre à ce que Donne-moi quelque chose qui ne finit pas soit un album aux sonorités très modernes. C'est tout le contraire, avec l'omniprésence du piano et des cordes...
R Parfois, en musique, c'est tentant d'aller vers la saveur du jour, mais quand je veux me faire plaisir, j'écoute de vieux classiques. J'y reviens toujours. Une fois que j'ai assumé ça, je suis allée vers des arrangements avec orchestre de chambre.
Q Ton chant a changé. La voix est plus intériorisée, plus éthérée. Est-ce la dimension personnelle des textes qui a influencé ça?
R Peut-être. On a longtemps travaillé ces chansons et quand je suis venue pour faire les voix, il semble que rien ne marchait. Ou bien le chauffage ne fonctionnait pas, ou bien l'air était trop sec! Je ne me sentais pas à l'aise non plus : c'était comme si on me demandait de me déshabiller devant tout le monde. J'ai finalement enregistré les voix seule. C'est peut-être ce qui explique ce côté plus intérieur.
Q À l'écoute des pièces, on songe à Keren Ann, Benjamin Biolay, Coralie Clément... Ce sont de proches parents artistiques?
R Je veux travailler avec ces gens-là. Quand Benjamin Biolay est venu aux Francofolies, Isabelle Boulay m'a aidée à le rencontrer. Il m'a donné son adresse personnelle, je lui ai envoyé ce que j'avais fait, puis il m'a rappelée. Il m'avait dit qu'il aimerait travailler avec moi, mais finalement, ça n'a pas marché. Il y a deux artistes avec lesquels je rêvais de travailler Biolay et Pierre Lapointe.
Q Par contre, ç'a fonctionné avec Lapointe : il t'a signé deux chansons...
R Oui. J'étais super déçue lorsque ça n'a pas marché avec Benjamin, je sentais que j'avais tout donné sur les chansons, que je ne pouvais pas en faire d'autres, et c'est à ce moment-là que ç'a débloqué avec Pierre Lapointe.
Q Tu as récemment ouvert pour Isabelle Boulay en France. Si on combine ça à l'approche «nouvelle chanson française» de ton album, il semble évident que tu peux développer une carrière outre-mer...
R Mon gérant a travaillé 11 ans avec Stéphane Rousseau, alors il connaît bien le travail à faire. Ça me tente, c'est certain : c'est un rêve. Je sens que j'ai bien connecté avec le public de l'Olympia, surtout pour une première partie. L'accueil était très chaleureux, mais je crois qu'il faut passer beaucoup de temps là-bas pour installer quelque chose. J'ai dû faire une soixantaine d'entrevues pendant que j'y étais et c'est le genre de chose à recommencer dans huit ou neuf mois, sinon tu te fais oublier...
Q Tu as voyagé beaucoup, notamment à titre d'ambassadrice de l'UNICEF ; or ça ne semble pas alimenter ton travail : seule L'île témoigne de ça.
R J'aimerais raconter ces histoires, mais ça prend un grand talent pour faire ça, peut-être que des gens comme Souchon pourraient m'aider à le faire. Écrire L'île, ça m'a pris tout mon petit change. Je ne voulais pas prendre le point de vue qu'on a, j'ai préféré prendre le point de vue de ces enfants qui vivent dans des dépotoirs... Ce sont des thèmes dont je préfère parler dans d'autres projets comme des documentaires. Les chansons sur l'amour, c'est plus facile!
Q Tu planches sur un mini-album de reprises. Une aventure qui te mènera complètement ailleurs?
R En vieillissant, je veux assumer plus mon côté pop, parce que la pop est quelque chose que j'aime et que je continue d'écouter. Il y a cinq ans, je fuyais ça à cause de l'étiquette Star Académie, mais un peu avant de présenter mon show, à l'automne, j'aimerais sortir ce EP de reprises de chansons françaises.
Q On dit souvent que la vie d'artiste est truffée d'incertitudes. As-tu une certitude?
R Que la beauté de ce métier, c'est de le faire avec des gens que l'on aime.